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nous mêler au pélerinage, choisir notre place auprès des dames ou du cardinal dominicain, près des mules de celles-ci ou à la portière de celui-là.

Le plus beau carrosse étant sans contredit celui du seigneur Pandolfi, chargé de prêcher les indulgences et de les faire prêcher à Wittenberg en Saxe, nous suivrons quelque temps son carrosse, et nous nous amuserons comme des enfants à estimer combien il y a d’or en feuilles et d’or en bosse dans ces anges qui en flanquent les quatre coins, dans ces roues qu’on devrait serrer dans le carrosse, au lieu de les laisser dehors, exposées à la poussière.

Signor Pandolfi ne serait pas de notre avis. Rien n’est trop beau, semble-t-il dire, pour un homme qui va représenter Dieu en Allemagne une fois par an, de peur que les bons Allemands ne l’oublient. Si, pour représenter Dieu, il faut être replet, avoir trois mentons, pas de cou, se balancer dans un carrosse de velours, signor Pandolfi représente admirablement Dieu.

Le dieu dort déjà. De sa bouche, relevée par un coin, s’échappe ce bruit sonore que sur la terre on appelle ronflement. Dieu ronfle, et cela tandis qu’un dominicain lui fait la lecture, et qu’un franciscain chasse les mouches de son front. L’adresse du dominicain est de lire si bien que le bruit ne soit ni trop fort pour éveiller monseigneur, ni trop faible pour qu’il ne l’entende pas absolument : le mérite de la sainte lecture serait perdu. L’adresse du franciscain est d’expulser les mouches sans faire trop de vent au front du cardinal. Ils paraissent exceller dans l’art de vaincre ces difficultés.

Les matines sonnèrent, et sur toute la ligne un chant