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des ombrelles, et entre les ombrelles et les coussins, au double reflet rouge, des femmes paresseusement assises comme des Chinoises sous leur palanquin. On les dirait couchées sur leur sofa ; à peine laissent-elles paraître la pointe brodée de leur chaussure orientale entre les plis de leur tunique.

Immédiatement après les femmes, place de courtoisie, se montrent de lourdes voitures, et dans chacune d’elles huit dignitaires de l’église, traînés par seize bœufs : — deux bœufs par dignitaire. Soixante voitures ainsi attelées se placent à la file.

Dans des intervalles ménagés sur la ligne du cortége roulent des chariots chargés de musiciens, orchestre mouvant qui déploie un drapeau sur lequel on lit en gros caractères : « Musique de monseigneur le cardinal, » ou Musique de monseigneur le Légat. »

Grotesques, mais précieux auxiliaires du voyage, les vivres marchent derrière. Ce sont les comestibles nationaux que les contrées ingrates où l’on se rend n’offrent pas : beaucoup de vins, de confitures et de salaisons. Sur les vivres sont les cuisiniers. Ils voiturent les traditions de la bonne chère en pays de chrétienté, de même que leurs maîtres y propagent les saintes doctrines.

Mêlée inqualifiable, se ruent à la queue les cuisiniers et les marmitons du sacré collége, des milliers d’abbés de fortune, de ceux qui possèdent, une mule à deux ; des bandes d’écoliers ayant une soutane pour quatre, des moines déguenillés, mais gras et fleuris, ce qui compense, heureux de mettre sur le compte de la pénitence leurs courses nu-pieds ; des théologiens cosmopolites dont la