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Après la promenade et les jeux, il y eut concert ; après le concert on sonna le dîner.

Les domestiques étaient déjà rangés autour de la table et derrière les enfants pour les servir, quand Glorvina demanda à sa mère la permission de se retirer ; un violent mal de gorge venait de la saisir. Sa voix était rauque.

Cet enrouement, qui paraissait causé par une supension momentanée de la transpiration, résista aux sirops qu’on fit boire à Glorvina ; il augmenta au point d’oppresser la petite fille dont on essuya la sueur glacée et qui fut couchée aussitôt. Ses compagnes tenaient encore la table, que le docteur Dupuytren écrivait quelques lignes sur le coin d’un guéridon : il avait écouté la respiration sifflante de lady Glorvina, et compris cette langue de l’agonie qu’il parlait si merveilleusement.

Quand le docteur Dupuytren eut achevé d’écrire, il mit ses gants ; regarda sa montre, et dit à lord Brady : Si après l’application de quarante sangsues, l’enfant est dans le même état, demain au lever du soleil…

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Lord Brady serra la main du docteur Dupuytren.

Le lever du soleil éclaira du gazon foulé, des branches d’arbre cassées, des papiers noircis, restes d’un feu d’artifice qui avait dû être superbe, des plumes éparpillées de volants, des fleurs flétries, et au fond d’un appartement un petit lit sur lequel une vieille femme rejetait un drap. Le drap était changé en linceul, le lit en tombeau. Je priais auprès de Glorvina.

Depuis cette fête et depuis cette mort, les Brady, tristement réduits par deux morts successives au chef de cette