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excité à la haine et au mépris du gouvernement du roi, fut condamné à trois mille francs d’amende et six mois de prison.

— Monsieur, lui dit le chef du jury après la condamnation, le jury, ayant égard à vos bons antécédents d’homme laborieux, a reconnu des circonstances atténuantes. Mais que l’avenir vous rende plus sage. Retournez à vos travaux.

Honorable marchand de chandelles !

Douloureusement affecté de la condamnation de son fils, le père de Marc mourut peu de temps après. Marc alla en prison. Il passa sous la voûte de l’antre de Sainte-Pélagie, tenant dans une main un traité de physique et ayant à l’autre main un bouquet de fleurs de la saison. Il était calmé et serein comme Socrate la veille de sa mort.

Juré et électeur, Marcelin fut presque aussitôt nommé capitaine de la garde nationale. Il donna un grand dîner où l’on vit du champagne frappé.

Du malheur de Marc il sortit pour lui une satisfaction aussi grande que peu désirée. En mourant, son père lui laissait quelques petites portions de vigne, quelques morceaux de terre de quelque valeur, enfin si ses calculs ne le trompaient pas, de quoi être électeur. — Ah ! si je suis électeur, se dit-il, je parlerai du moins dans les réunions et là je dirai tout ce que je ne puis ni écrire ni aller proclamer à la chambre, où pour entrer il faut payer cinq cents francs !

Sorti, de Sainte-Pélagie, Marc supputa tous ses biens, les petits et les moyens, additionna les diverses sommes qu’il payait comme impôt direct à l’État, et il découvrit qu’il s’en fallait d’un franc pour qu’il eût le droit d’être