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— Tu as donc une fabrique ? demanda Marc avec étonnement.

— Mais oui…, une toute petite fabrique… répondit Marcelin. Cela ne va pas mal. J’ai des commandes…, je marche… Si tu voulais renoncer à tes théories pour te livrer entièrement à la pratique, je n’aurais que du plaisir à te donner une part dans les intérêts de ma maison.

— Ah ! tu me protèges, monsieur Marcelin !

— Non…, tu ne veux pas comprendre le côté sérieux de la vie ; écoute…

— Allons ! le marchand de chandelles se fait philosophe et me moralise.

— Je ne te moralise pas ; mais je voudrais que comme moi tu songeasses un peu plus à l’avenir. Tout se tient aujourd’hui : la politique et le commerce. Celui qui est riche est électeur. Soyons électeurs, et le député de notre pays nous courtisera. Il voudra nos voix, nous les lui donnerons ; mais, de son côté, il nous fera nommer fournisseurs de bougies à gaz de la maison du roi, des princes et des princesses. Services pour services.

— Tu as donc de l’ambition ?

— Voilà, Marc, la question que je t’adressai, le jour où tu me proposas de t’accompagner à Paris ; tu me répondis : Oui, et toi, en as-tu ?

— Cette ambition que j’ai encore, reprit Marc, n’est pas d’être le boutiquier des grands et d’entrer en concurrence avec les épiciers de Paris ; mais c’est l’ambition des Vauquelin, des Lavoisier, celle d’élever la France scientifique au premier rang des nations. C’est pour cela que, moi aussi, je veux devenir, non pas simple électeur vendant