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Gibbon allant caresser ses chiens dans son jardin à une heure après minuit, quand il eut écrit la dernière ligne de son Histoire de la chute de l’empire romain, Marc quitta son cabinet et descendit comme un fou la montagne de Belleville. Sans avoir le sentiment des distances qu’il parcourut, il arriva au milieu de Paris, dont il voyait pour la première fois les merveilles après deux ans de séjour. Ce bruit de la rue amortit le bruit de sa tête. Peu à peu il se calma. Fraîche et étoilée, la nuit adoucit entièrement l’ardeur de son sang. Marc prit alors plaisir à contempler, avec la curiosité d’un naturaliste descendu dans la cloche à plongeur au fond de la mer, les milliers d’objets étalés par l’industrie derrière les glaces transparentes des boutiques. Nous négligerons de dire toutes les satisfactions qu’il éprouva dans cette revue, pour arriver tout de suite à l’espèce de secousse dont il fut ébranlé en lisant sur un paquet recouvert d’un papier bleu : Bougies au gaz. Il était déjà dans la boutique du marchand. — Qu’est-ce que ces bougies au gaz ? demanda-t-il. — C’est une nouvelle invention, lui répondit le commis. — De qui est cette invention ? — Parbleu ! lui dit le commis, vous revenez donc de la Chine, pour ignorer que les bougies au gaz et les chandelles au gaz sont de l’invention de M. Marcelin, le fameux chimiste. Lisez, monsieur, lisez ! — En effet, Marc put lire sur l’étiquette de chaque paquet : De l’invention de M. Marcelin, chimiste.

Éperdu, furieux, Marc sortit de la boutique et franchit comme un lion la distance qui le séparait de Belleville. Quand il rentra dans le pavillon, Marcelin était déjà couché. — Misérable ! lui dit-il, de mon invention tu as fait des