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giciens ! Avec ces métaux, je ferai tout, moi ; nous ferons tout, nous autres ! car toi et moi, nous sommes inséparables. Je ne veux que voir le dôme de l’institut.

— C’est donc à Paris que tu veux aller ?

— Et où donc ? Y a-t-il une autre ville au monde ?

— Mais nous n’avons pas cinq cents francs à nous deux.

— Sais-tu si Colomb avait deux piastres seulement lorsqu’il découvrit l’Amérique ?

— Mais il a découvert l’Amérique, et après lui…

— Il y a tous les jours des Amériques à découvrir. Ah ! tu crois que tout ce que Dieu a caché se borne à trois mille lieues de terre, commençant et finissant par une mer glacée ? Mais, après Colomb, songe à toutes les autres Amériques découvertes. La culture et la propagation de la pomme de terre, — Amérique ! La vapeur appliquée à la navigation, — Amérique ! Le gaz éclairant nos villes, le gaz qui dormait depuis le déluge sous une épaisse croûte de charbon, — Amérique ! En morale, en littérature, en sciences, que d’autres Amériques à révéler au monde !

— Je m’embarque avec toi, nouveau Colomb, s’écria Marcelin. À quand le voyage ?

— Tout de suite, répondit Marc. N’attendons pas que l’âge nous envoie le découragement, ou, qui pis est, une femme à épouser ; les femmes, ces gouffres de tant de beaux génies, sirènes qui commencent par séduire ceux qu’elles doivent dévorer. Je parle des femmes légitimes.

Les deux amis se dirent une foule d’autres choses, mais aucune ne put les détourner d’aller chercher fortune à Paris.

Enfin Marc aperçut le dôme de l’Institut.