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Vous croyez l’avoir deviné. Ils venaient faire, supposez-vous, de la peinture, parce qu’on leur avait donné à chacun un rameau de laurier, le jour de la distribution des prix de dessin, au collége du chef-lieu. Vous vous trompez. Alors, direz-vous, ils accouraient à la voix de monsieur tel ou tel, grands distributeurs de brevets d’immortalité, pour faire des vers ou de la prose, faute de mieux. Ce n’est pas cela. Par extraordinaire, nos deux amis n’étaient ni poëtes ni peintres, et, s’ils étaient destinés à mourir à l’Hôtel-Dieu, ce n’est ni Gilbert, qui se nourrissait de clefs, ni Chatterton, qui ne se nourrissait de rien du tout, qui devaient faire leur lit.

Marc et Marcelin étaient deux natures moins choisies, moins exceptionnelles. Nés dans une ville industrielle, ils en avaient sucé le gaz. Leur esprit s’était tourné vers la physique et la chimie, monde nouveau qui se lève à l’horizon et dont on a à peine aperçu la cime des montagnes. Penchés dès l’enfance sur les fourneaux de leurs pères, ils avaient d’abord admiré, avec la curiosité naïve du premier âge, les phénomènes de la fusion, le plomb coulant en ruisseaux d’or, l’argent frétillant au fond du creuset comme des poissons au fond d’un lac ; ils avaient appris ensuite à connaître la valeur des métaux, devenus objets de commerce, soumis à toutes les applications de l’industrie. Plus tard ils découvrirent que la science pouvait tirer bien d’autres partis de ces choses dont leurs pères ne savaient extraire qu’un profit borné comme leur esprit, comme leurs pauvres connaissances de sous-préfecture.

C’est Marc qui dit le premier à Marcelin :

— Nos pères font de la physique et de la chimie sans