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tant qu’elle pût voir Reine debout, étonnée, immobile au milieu du bal.

Quand Ervasy revint, Reine retrouvant enfin sa langue, lui dit :

— Mais quelle est donc cette dame ?

— C’est ma femme.

— Votre femme ! Ah ! mon Dieu ! Et moi qui lui ai dit !…

— Que lui as-tu dit ?

— Que j’étais votre maîtresse !

— Elle s’est évanouie ?

— Elle a ri, au contraire, de toutes ses forces : elle rira jusqu’à Paris.

— Ce que tu dis là me rassure, elle ne t’aura pas crue ; l’excès de ton imprudence nous a sauvés.

Suis-je heureux ! songeait Ervasy en retournant à Paris assis près de Reine dans un coucou à quinze sous par place. Puisque Reine est ainsi jalouse, c’est qu’elle m’aime ; et puisque ma femme a pris ainsi la chose, c’est qu’elle n’a pas le moindre soupçon.

Quelques jours après le bal de Montmorency, Reine Linon recevait du prince un nouvel écrin encore plus beau que le premier, et d’une dame qui avait voulu se désigner sans se nommer un cachemire d’un prix rare.

Ces cadeaux étaient moins au-dessus qu’on ne se l’imaginerait du caractère et de la nouvelle position de Reine. Ervasy lui avait acheté une maison rue Duphot.

Reine est toujours restée blanchisseuse, car le bonheur du banquier est de lui baiser les bras lorsqu’ils sont encore moites de l’eau tiède et savonneuse à peine essuyée, de la