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— Je vous attendais, lui dit une voix sortie comme d’un tronc d’arbre. Me voici.

Reine reconnaît la voix, franchit la triple rangée de chaises et, s’approche de la personne qui lui avait parlé.

— Je vous remercie de votre exactitude, lui dit la personne cachée. Il est ici ; mais comment se fait-il que vous n’êtes pas avec lui ?

— Il est ici ! répéta Reine avec étonnement. Montrez-le-moi. Ah ! il est ici !

— Il est là bas sous ce gros arbre. Son chasseur est derrière lui. Le voyez-vous ?

Sans en écouter davantage, Reine rentre dans le bal et court à Ervasy. Elle va lui parler, le confondre, le renverser, l’anéantir. Elle s’arrête. Une dame est là ; elle est avec Ervasy. Quelle est donc cette femme ? se dit Reine, et pourquoi l’a-t-il amenée ici ? Est-ce un tour qu’il m’aurait joué ? L’insulte serait complète. Elle regarde Ervasy. Quel regard ! Ervasy perd contenance, baisse les yeux ; il semble s’accuser, demander grâce pour quelques instants. Reine hésite. Lui fera-t-elle une horrible scène ? Le signal de la contredanse est donné : madame Ervasy prend son mari par la main, et tous deux vont prendre place à un quadrille auquel il manque encore, pour se compléter, un cavalier et une dame.

— Vous m’ayez invitée, dit alors Reine Linon au premier inconnu qui lui tombe sous la main.

Celui-ci ne sait que répondre.

— Moi… je…

— Eh oui, vous m’avez invitée. Vite ! faisons vis-à-vis à