Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saient presque plus. Elles étaient une erreur, une inconvenance, mais comment y voir un crime, même un affront !

Cependant Reine, qui se croyait en droit de parler la première, la délicatesse lui imposant le devoir de refuser le don de l’écrin même avant d’entendre les raisons qu’on avait pour le lui offrir, alla prendre les bijoux et les rendit. En les déposant entre les mains de celui qui la regardait agir avec un sourire de bienveillance, et ne voulait pas tout de suite la contrarier, elle dit qu’elle ne devinait pas les intentions cachées d’un tel hommage. Elle s’estimait assez pour croire à une erreur commise à son égard : elle fut éloquente à sa manière. Si Reine avait eu l’habitude de se maîtriser, elle aurait peut-être en ce moment causé au jeune homme, attentif à l’écouter, une peine réelle, mais elle monta trop haut ; elle mit trois clefs à son indignation ; la vérité se perdit dans les airs. Sans lui supposer de l’hypocrisie, son auditeur la jugea à fond, il la jugea bien : il la plaça à une élévation raisonnable, mais non inaccessible.

Il dit à Reine avec l’inimitable réserve des gens bien élevés, quand elle eut achevé son petit discours vertueux : — Mais je ne vous aime pas, mademoiselle, je n’attends pas de vous, je vous jure, le moindre retour d’affection. Peut-être sommes-nous allés trop vite tous les deux.

Chez les femmes sans naissance ni éducation complète, l’expérience n’arrive jamais que par ces affreux déchirements du voile jeté sur leur intelligence en défaut.

En effet, réfléchit-elle, qui m’a dit qu’il m’aimait, parce qu’il m’a envoyé un cadeau ? Mais alors, se demanda-t-elle, pourquoi me l’envoie-t-il ?

La question vibrait encore dans Reine Linon que le