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Un jeune homme de vingt-cinq ans entra dans la petite chambre, en s’informant s’il avait l’avantage de parler à mademoiselle Linon. Pour toute réponse, Reine lui présenta un siége, et resta debout près de la croisée, ne sachant au juste ni à quel endroit, ni dans quelle position se mettre devant lui. Elle ne s’attendait pas, il faut le dire, à recevoir un visiteur d’une physionomie aussi avantageuse. Plus l’écrin lui avait semblé riche, et plus elle s’était peint sous des traits disgracieux le personnage qui l’avait offert, et qui, selon elle, avait prétendu éblouir, étant incapable de plaire. Le mécompte, si cela doit s’appeler un mécompte, était complet. Jeune, d’une taille souple, illuminant un beau visage brun, doré par les lueurs de ses yeux bleus expressifs, il donnait une valeur infinie à la finesse de sa structure pleine et nerveuse, par une mise parfaite, particulière à quelques privilégiés du goût. À l’élasticité des mouvements qu’ont les Français, il joignait l’exquise tenue des élégants de Londres, mérite difficile, dont il faut tenir compte aux méridionaux, peu habitués à supporter la gêne dans leurs climats chauds. Son pantalon noir, demi-collant, descendait sur ses bottes avec une précision dont Humann, le maître à tous dans son art, a trouvé, à force d’habileté, le rare secret. Ses pieds annonçaient une origine, exemple de tout mélange avec des races déformées par le travail. Ils étaient minces, brisés, et se ployaient comme une main de femme. Tant de beauté, tant de distinction ne furent pas sans effet sur Reine. Elle aurait volontiers souhaité avoir affaire à quelque vieux poursuivant, à quelque perruque blonde, afin de rejeter avec dédain des offres blessantes. Venues de si fines et si nobles mains : les offres ne frois-