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la conduisît déjeuner à Saint-Cloud, à la Tête-Noire, dîner dans l’île Saint-Denis, chez Perrin, aux concerts Musard, et dans vingt autres endroits différents, elle laissait Ervasy libre de se bien porter à cause d’elle. Seulement il ne fallait pas qu’il lui dît : Rentrons, il fait froid ; asseyons-nous, il fait trop chaud ; n’allons pas à pied, je suis trop las ; ne montons pas dans un coucou, j’aurais honte d’y être vu. » Point de ces mauvaises raisons. Quiconque vit avec une grisette doit être jeune ou apprendre à le redevenir. Sur ce point elle est sans pitié ; elle n’admet pas la vieillesse, elle n’y croit pas ; elle n’y arrive du reste jamais comme grisette. Une vieille grisette n’existe pas. Comme la perdrix, elle change de nom en vieillissant. Que devient elle ? Que deviennent les vieilles lunes ?

De quel saisissement ne fut pas atteint Ervasy en surprenant Reine occupée à adorer sous tous les angles, près de la croisée, un écrin où brillaient un collier, des bracelets et des boucles d’oreilles en émeraudes ? Il eut besoin de relâcher le tour de sa cravate et d’ouvrir quelque peu son gilet ; il vit vert partout ; ses oreilles sifflèrent ; il chancela sur ses jambes.

— Voilà qui est galant, j’espère, s’écria Reine, en étalant dans tout son jour la brillante parure d’émeraudes.

Ervasy n’eut pas une parole de réponse.

— Eh bien ! j’en avais rêvé la nuit dernière, ajouta Reine. Un petit nègre m’offrait dans une corbeille un cachemire des Indes et une parure dans un écrin.

— Trouvez-vous que ces boucles d’oreilles vont à mon teint ? demanda Reine en essayant un à un les divers bijoux.