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jusqu’auprès de leur mère, toutes trois sérieuses, boudant sous leurs chevelures blondes, effarées, comme si l’on eût cherché à les attaquer.

Lord Brady se dévoua tout entier au soin de ses trois filles ; il se consacra à leur éducation, précieux devoir qui constitue une seconde paternité moins arbitraire que la première. D’Oxford, de Cambridge étaient attendus au château les meilleurs maîtres de la science, les esprits distingués et patients qui l’expriment sur les lèvres des enfants comme un lait savoureux. Les livres, les dessins, les belles harpes, les pianos d’ébène, étaient commandés. Ici la chapelle où l’on s’agenouillerait le matin devant le grand saint Patrice qui aurait donné trois Anglais pour un enfant irlandais, tant il les aimait ; là le cabinet de travail, dans une des tourelles, et là le grand air sur la pelouse.

Ne pouvant être Dieu le père, nous voudrions être lord Brady, disaient les paysans lorsqu’ils jetaient les yeux sur le château de leur maître.

Si vous n’avez pas oublié, continua M. Anderson, les intervalles laissés entre la naissance de chacune des trois filles, en vous apprenant que Nelly, l’aînée, a déjà huit ans, vous trouvez que Glorvina, la seconde fille de lord Brady, atteint sa sixième année ; tandis que Katty, la plus jeune, a quatre ans seulement.

Une nuit, la couverture d’un des trois berceaux s’agite ; le père est debout, la mère est déjà levée. Nelly parlait et rêvait ; son œil s’ouvrait ; et plus terne se refermait chaque fois. La tête de l’enfant est brûlante et lourde ; on la soulève, elle retombe ; son pouls bat fort, ses lèvres sont sèches. Ce ne sera rien. Le froid l’aura gagnée ; l’herbe était