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profonde indifférence qu’avait montrée son mari en écoutant son dialogue avec Dauphin, si toutefois il l’avait entendu. Comment le rendre jaloux ?


IV.

Le domestique le plus aimé, le mieux rétribué, le plus estimé de ses maîtres, celui qui n’a rien à désirer dans le présent, rien à craindre pour l’avenir, lit en cachette, le plus souvent possible, les Petites Affiches, dans l’espérance d’y trouver une meilleure place. Qu’on juge des autres par celui-là. Le serviteur sublime qui allait à la guillotine avec son maître n’existe plus, par la raison fort simple qu’il a été guillotiné. Tout domestique n’est plus que provisoirement là où il est en service. Les beaux livres, les éloquents journaux qui ont écrit pendant quinze ans que les domestiques fripons, ignorants, espions étaient les égaux et devaient être les associés de leurs maîtres, ont produit ce résultat satisfaisant, que le domestique prend maintenant un maître, tandis que le maître prenait autrefois un domestique. Nous ne sommes pas loin du jour où les domestiques donneront congé aux maîtres, et ne les prendront que sur de bons répondants. Nous sommes égaux devant la loi, sans doute, nous devrions l’être du moins ; nous sommes égaux devant Dieu, et je le crois fermement. Mais arrêtons-nous là. Non ! nous ne sommes pas naturellement égaux. Il y a des oignons qui produisent de belles fleurs, il y a des oignons qui ne sont que des oignons. Les uns et les autres affectent pourtant la même