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héritière était née à ces vieilles tourelles, à ces lierres barbus qui enveloppaient les tourelles comme quatre troncs d’arbres morts, à ces vitraux derrière lesquels depuis bien longtemps n’avait couru une lampe de fête. Tout était joie et empressement à cause de cette naissance.

Le soir, quand le soleil embrasait les rameaux de la forêt pour aller faire son lit dans les feuilles ; quand il teignait de pourpre les belles eaux des lacs, la cornemuse des paysans jouait à la porte du château et filait un doux sommeil à l’enfant.

Plus tard, quand Nelly fut plus grande, sa mère la prenait dans ses bras, et lui enseignait à bénir de ses petites mains les paysans rassemblés sous le balcon ; et les paysans ployaient le genou et baissaient la tête devant cette protectrice ingénue. Car rien n’est respecté et ne fait chérir la puissance comme le droit mis sous la protection de la faiblesse.

Quoi au monde aurait égalé la félicité dont jouissaient lord Brady et sa femme, si ce n’est une félicité semblable ? Deux ans après la naissance de Nelly, ils eurent une seconde fille, si belle et si blanche que, non-seulement elle était le portrait de son aînée, mais qu’elle servit de modèle à une troisième sœur qui naquit à deux ans de là. Le rosier eut ses trois boutons. Mêmes formes, même éclat, même richesse de santé, mêmes yeux bleus au même reflet vierge et sauvage, chez les trois sœurs, Nelly, Glorvina et Katty. Nées loin de la société qui polit, mais qui émousse, quelque chose d’indompté comme chez les faons, dardait de leurs fauves regards quand un étranger les surprenait au milieu de leurs jeux. Elles bondissaient