Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Si M. Ervasy ne me prête pas cette somme, murmura le prince, au moment où il pleuvait des couronnes devant la danseuse, qui saluait le public avec la modestie d’une chaste nymphe après avoir dansé comme une bacchante, je serai obligé de vendre ma vaisselle plate.

— Cet acte vous a-t-il plu ? demanda madame Ervasy au chasseur, en reprenant la conversation.

— Oh ! oui, madame, beaucoup.

— Vous aimez donc la musique ?

— Je ne dis pas non ; mais ce n’est pas la musique qui m’a le plus diverti

— Qu’est-ce donc ? Le ballet ? Il est fort gai, fort intéressant en effet. La danse est plus de votre goût que la musique ?

— Certainement, madame, que la danse m’a fait grand plaisir, et je reverrai très-volontiers ce petit homme boiteux, qui a les crins rouges, un drôle d’habit jaune, des souliers montés sur des talons rouges comme un pigeon pattu, et une canne avec laquelle il tape toujours. J’ai bien ri ; ah ! j’ai bien ri ! mais…

L’imbécile n’a pas seulement fait attention à Fanny Elssler, pensa madame Ervasy.

— Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus surpris.

À la bonne heure, se dit la complaisante interlocutrice, il va me parler d’Elssler.

— Je n’oublierai jamais reprit-il, non jamais, cette peinture qu’ils nous ont fait voir, avec toute cette garniture de lumières :

— Bien ! pensa madame Ervasy ; c’est du décor qu’il s’agit. Voilà donc ce qu’il préfère. Au fait, que de gens