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d’un demi-dieu. Ses vingt-cinq ans, ses cheveux noirs, ses dents blanches, ses lèvres d’une fraîcheur angélique, son front assez vaste pour passer pour intelligent, l’ensemble et le caractère de tous ces traits relevés par un regard tendre, fier, lumineux, et cette barbe qui les accentuait à la façon castillane, lui donnaient tout ce qui fait dans l’homme le charme et l’admiration des femmes. C’était le Méléagre pour la jeunesse, le bandit italien pour le teint.

— Ma foi, il est très-beau, s’avoua madame Ervasy, qui en reprenant sa première attitude, c’est-à-dire en tournant le dos au beau chasseur, laissa sur lui un imperceptible rayon de son regard. Dauphin croyait ne pas être vu. D’autres plus fins que lui l’auraient cru : mais les femmes voient avec leurs épaules. Et que vit-elle ?

Dauphin passa lentement sa main droite sous les pans de son habit somptueux, la glissa dans une des poches, et la retira ensuite avec la même précaution. Les deux mains se joignirent, et le beau chasseur, attentif à son œuvre, tordit avec ses doigts et coupa avec les deux ongles du pouce une espèce de petite corde noire. Un fragment resta dans sa main gauche, l’autre fut porté par sa main droite à ses lèvres, à ces jolies lèvres que nous avons comparées à celles d’un ange. Le petit morceau de corde fut ensuite poussé dans le fond de la bouche, et y resta.

— Grand Dieu ! murmura madame Ervasy. Il…

Nous écrivons le mot pour elle. Il n’y a pas à reculer, il faut l’écrire. Dauphin chiquait…

Madame Ervasy frémit de la découverte. La tabatière a passé dans nos mœurs. Par coquetterie, les élégants marquis du dix-huitième siècle prenaient du tabac en poudre,