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Celle-ci, égarée par le dépit, lui lança un soufflet, et si fort, que le chapeau du banquier roula au loin.

Une femme qui frappe trouve dans chaque coup un motif pour frapper encore. Elle se nourrit de sa colère, prend le change et croit être battue. Reine arracha la cravate à Ervasy, défit son gilet et l’égratigna jusqu’à ce que les forces lui manquèrent. Alors elle tomba, elle eut une attaque de nerfs.

Quand ses sens furent revenus, elle se vit avec une belle chaîne d’or au cou et deux bracelets tordus en serpents autour des poignets.

Qu’elle était charmante ainsi pâle, échevelée, fumante, assise sur les genoux d’Ervasy, occupé à la consoler.

— Cela te plaît-il, lui demanda Ervasy ? Cette chaîne est-elle de ton goût ? je te l’ai achetée sur mes économies.

— Pourquoi mentez-vous, dit Reine avec une moue délicieuse et en jouant avec les anneaux d’or de la chaîne ?

— Moi, je mens ?

— À l’instant même ; et cela va me faire mettre encore en colère. N’avez-vous pas de honte de me l’avoir caché ?

— Que t’ai-je caché ?

— Vous êtes millionnaire ; oui vous êtes le plus riche de Paris, après le roi. Le portier me l’a dit.

— Moi, millionnaire ! Ce sont de mauvaises langues. Je ne suis que caissier dans une maison de banque, comme je le l’ai déjà dit.

— Vous êtes millionnaire puisque vous êtes banquier !

— Ton portier est un imbécile.

— Il est porteur de journaux, et il en dépose à votre