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vreté ! On devrait bien fonder des dépôts en leur faveur.

Ervasy avait posé les bases de son crédit financier dans les premières années de la restauration, sous M. de Villèle, lorsqu’on jouait déjà à la bourse, presqu’aussi gros jeu qu’aujourd’hui.

Il eut les confidences d’un ami de sa mère, qui était encore fort recherchée, et particulièrement par ce qu’on appelait alors les congréganistes, les jésuites à robes courtes, les éteignoirs, hommes fort aimables, fort indulgents, dont tout le tort était d’aimer un gouvernement qu’ils avaient désiré longtemps, plus logiques en cela que ceux qui adorent un roi parfaitement inconnu de tout le monde la veille de son avènement. Sa mère était d’une vieille famille de Bretagne, alliée de près aux anciens gouverneurs de cette province. Sous Louis XVI, elle épousa un fermier-général qui la fit riche en la faisant roturière, et qui la fit heureuse aussi, pour tout dire. Elle était une Mony-de-Pandœuvre, l’orgueil même. Quand elle prononçait ce nom-là, sa bouche était trop petite ; la poutre ne passait que de biais. Tout bien pesé, le fermier-général Ervasy agit prudemment en se faisant guillotiner un des premiers sous la Convention. Sa femme lui aurait reproché jusqu’au tombeau de l’avoir détournée d’une belle alliance, et d’avoir abusé de l’ignorance où elle était de ce qu’elle valait. Une Mony-de-Pandœuvre ! Ceci fut évité par la mort de M. Ervasy, qui laissa un fils unique au berceau. Sa veuve n’émigra pas ; elle ne bougea pas de sa rue de Verneuil, malgré l’exemple des siens. Aussi ne perdit-elle presque rien. L’empire vint, et elle le méprisa sans s’interdire le plaisir de s’amuser à ses fêtes, car elle aimait beaucoup