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— Prince, disait-il, je ne suis pas seul dans cette affaire, mes associés exigent une caution.

— Mais une île, répétait le prince, le diamant de mes états, que diraient les représentants du pays ?

— Que les représentants du pays donnent de l’argent à votre altesse pour faire la guerre.

— Une île aussi riche qu’une contrée d’Europe !

— Je ne la garderai en nantissement que pendant vingt ans, objectait le banquier, qui, loin de paraître tenir beaucoup à contracter cet emprunt, écoutait avec une invisible impatience les sollicitations du prince.

— Mais vingt ans, n’est-ce pas beaucoup ? En vingt ans, si les Anglais s’entendent avec vous ou vos associés, ils peuvent émanciper tous les esclaves de l’île ; et au bout de ces vingt ans, il me resterait alors moins que rien : un pays libre.

— Ce sera avec un profond regret, prince, que je renoncerai à traiter de cet emprunt avec votre altesse.

— J’ai à ma disposition la Toison-d’Or, reprit le.prince, en souriant.

— J’ai déjà tous les ordres du Midi, dit le banquier en regardant les aiguilles de la pendule.

— Grand d’Espagne ?… ajouta le prince.

— Je serai pair de France quand je voudrai, à quoi bon ?

— Vous ne voyez donc aucun moyen d’accepter pour votre compte la négociation de cet emprunt ?

— Votre auguste signature, prince, me suffirait, répondit le banquier avec beaucoup de déférence, si je n’avais pas à traiter en sous-œuvre avec des esprits étroits, des