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née d’exploitation, à côté des chevaux mecklembourgeois d’un baron prussien, de ces chevaux assez nobles pour figurer au chapitre d’Allemagne et tels qu’on en voit, coiffés de plumes et en caparaçon d’or dans le Triomphe de Maximilien. On voyait encore les voitures des directeurs de journaux, dont les cochers ressemblent à des hommes de lettres ; celles des directeurs de spectacle hautes comme les voitures grotesques qu’on lance sur les planches de l’Opéra et qui n’ont jamais existé ; celles de quelques notaires, bien reconnaissables à l’insigne couleur jaune dont, par une punition de Dieu, ils ne peuvent se séparer ; celles des sommités politiques de l’époque, gens si peu habitués à ce bien-être qu’ils prient leurs cochers de prier leurs chevaux d’aller moins vite de peur d’accident. Et puis, ce qui achevait la confusion, on voyait des cabriolets hideux pris à l’heure et disant assez haut qu’ils avaient amené des négociants, des courtiers et peut-être des emballeurs.

Il y avait pourtant dans un coin de la cour la voiture d’un prince du sang. Maintenant est-il nécessaire de dire que cet hôtel était celui d’un banquier ?

Chaque dame, en traversant la première pièce, recevait, avec un gracieux bouquet de camélia, le programme de la soirée imprimé sur papier rose. Il n’était que neuf heures et demie. La salle n’offrait pas encore le coup d’œil qu’elle devait présenter une heure plus tard, lorsque la plus riche moitié des personnes invitées serait venue. Les toilettes se disséminaient sans avantage sur une triple rangée de fauteuils de cachemire blanc à minces filets d’or ; elles ne s’étaient pas encore mises en équilibre. Cependant les lacunes se comblaient avec rapidité, à chaque minute indi-