Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le ferait la vue d’un billet de banque entre les mains d’un homme qui sortirait d’un bois.

Quand cette pendule, d’une interprétation si fâcheuse, sonna la demie de sept heures, Reine se leva avec vivacité, prit sa pantouffle et la lança contre le verre, qui fut brisé en dix mille morceaux. Le Nil, Talleyrand de bronze, — c’était le dieu du Nil que portait le trophée de la pendule, — ne continua pas moins, malgré ce soufflet, à courir, à la faveur de ses deux aiguilles, de sept heures et demie vers huit heures moins un quart. Les blondes ont de ces colères sourdes, que les gens à préjugés n’accordent qu’aux brunes, et particulièrement aux Andalouses. Reine remit tranquillement sa pantouffle.

Tandis qu’au bout du faubourg Saint-Honoré cette scène sans témoins avait lieu, les portes d’un hôtel, situé beaucoup plus bas, entre les Tuileries et la place Vendôme, s’ouvraient à des équipages nombreux. Le nombre était en effet ce qui caractérisait le mieux cet assemblage bruyant de voitures de races différentes. Les panneaux gentilshommes ne manquaient pas ; on apercevait au reflet des lanternes des lions rampans et des léopards diadémés ; mais à côté de ces nobles animaux, un peu dépaysés, que de panneaux qui ne portaient rien sur un fond de vernis, n’ayant rien pour cri ni devise ! De même que le style dit l’homme, la cour d’un homme qui reçoit dit sa position dans le monde. Dans la cour de l’hôtel Ervasy il y avait un composé de toutes sortes de voitures comme dans le hangar d’un carrossier, un échantillon de toutes les fortunes à deux et à quatre roues. On reconnaissait les chevaux à deux fins de l’agent de change à sa troisième an-