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LE PLUS BEAU RÊVE
D’UN MILLIONNAIRE.


Rien n’est amusant parmi les petites joies de l’observation, comme de suivre des yeux les poses, les inquiétudes, les agitations des gens condamnés au supplice de l’attente.

Avez-vous remarqué quelquefois par une fente opportune, ou par la lucarne chassieuse de l’escalier, le manège du visiteur dont le bras détendu a cessé d’agiter la sonnette ? L’étude est curieuse. Il retient d’abord sa respiration, s’approche de la porte jusqu’à sentir l’odeur du vernis, et attentif, en arrêt, il flaire au moins autant qu’il écoute. Sa subtilité est celle du lévrier. Qu’on ne réponde pas tout de suite aux coups de la sonnette, que l’on tarde à lui ouvrir, il recommence à sonner ; mais cette fois il fait quelques pas en arrière et il bat la mesure avec le pied droit. Dans ce second épisode de l’attente, le visiteur, s’il a quarante ans, ôte son chapeau dont il brosse le poil avec la manche de son habit ; et s’il en a vingt-cinq ou trente, il