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même, l’Oriental se mit tristement à sourire, et dit : Je mourrai. Voilà de ces dévouements dont Dieu tient compte.

Nous allons voir s’il mourut.

Nanterre est un joli petit délicieux village, entre Paris et Saint-Germain-en-Laye ; c’est là que les heureux de Paris vont se retremper dans l’air du printemps, après les fatigues et les excès des longues soirées d’hiver. Tout pour les riches : le coteau vert, l’eau paisible entre les saules, les saules, les oiseaux sur les saules. Y a-t-il un beau fruit ? pour le riche. Une fleur rare ? pour le riche. Non-seulement il a à lui le palais, les chevaux, la table, mais encore le soleil, l’air, le vent, les étoiles. Si vous n’êtes pas riche, , d’où verrez-vous le soleil ? de votre mansarde. Mais vous ne le verrez pas, ou vous l’apercevrez de travers, ou il vous brûlera les yeux. Au riche donc le soleil. D’imbéciles poëtes lui refusaient autrefois la santé qu’ils n’avaient pas eux-mêmes. Le riche a la santé que vous n’avez pas, vous, gorgé de l’air municipal et empesté de Paris, et qu’il a, lui, nourri d’excellentes viandes, de savoureux légumes et d’un air à sa guise. Plaisante idée de refuser la santé aux riches.

C’est à Nanterre que naquit la marchande de violettes dont j’ai à vous entretenir dans ces lignes sans mérite et sans art : son père cultivait la vigne des autres et n’en buvait pas le vin, par un privilége commun à vingt millions de Français, et sa mère vendait des gâteaux à l’entrée du parc de Saint-Cloud ; quand elle en vendait. Ces deux industries, réunies, ne suffisaient pas pour payer le loyer de tous les ans et le pain de chaque jour. Dieu oublie quelquefois de l’envoyer à ceux qui le lui demandent ; il est