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d’électeurs dont il avait fasciné la simplicité par le faste de ses visites. Sa brochure achèverait d’entraîner les opinions douteuses, s’il en restait encore. De l’aveu de ses amis les plus sévères, cet écrit ne le pousserait pas seulement au banc de député ; on rêvait pour lui un poste plus élevé dans l’État. Quoique, dans sa position, il eût pu négliger de recourir à toute protection étrangère, il pria cependant son beau-père de l’accompagner à l’assemblée. Peut-être n’était-il pas fâché de le rendre témoin de son triomphe. Quand tous les électeurs furent réunis, Fleuriot monta à la tribune en faisant doucement craquer ses bottes vernies sur le parquet. Les électeurs n’eurent pas l’air de lui tenir compte, et vraiment c’était de l’injustice, de sa chevelure bouclée, de son gilet, de satin, supérieurement taillé, et de la fraîcheur de ses gants jaunes. Ils brûlaient de l’entendre parler. Leur impatience fut bientôt satisfaite. Fleuriot toucha, pour commencer, à toutes les questions de l’ordre social ; mais son abondance parut sans chaleur ; il semblait réciter un thème longtemps étudié, et où il avait fait entrer le plus de concessions possibles à tous les systèmes. Vous voyez que je suis ministériel en ceci, disaient ses phrases émoussées, monarchique en ceci encore, radical en cela, et même un peu carliste, si l’on y regarde de près. S’étant aperçu du pauvre effet du début de son gendre, Richomme demanda la parole, et il n’est personne qui ne fût heureux de l’accorder à l’ancien droguiste, salué, ce que nous avons omis de dire, fêté, complimenté à son entrée comme s’il eût été de retour d’un voyage autour du monde.

— Je crois que mon gendre, dit Richomme, eût mieux