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ficiles et des plus compliqués. De tout temps il s’était imaginé avec la foule qu’un morceau de terrain étant donné, on n’a, pour remplir au bout de quelques mois ses caves et ses greniers, qu’à acheter un sac de grains et à le vider sur ce terrain. Son mécontentement fut vif : sa propriété ne lui rapporterait rien que des feuilles, à cause de l’inopportunité de ses semailles et de ses plantations ; et l’année suivante il serait obligé de prendre des vignerons, des jardiniers à son service, et de ne presque plus participer aux travaux sur lesquels il avait tant compté pour charmer les si pesantes années de la vieillesse. Ainsi Richomme n’avait pas rencontré une seule joie qui ne fût factice depuis son installation à la campagne. Il avait voulu l’aimer, y trouver une compensation aux commotions si vivifiantes du commerce, et il avait été constamment trompé. Quelle déception que le jeune curé tolérant, que les voisins de campagne si agréables à lire dans les romans d’Auguste Lafontaine, que les plaisirs purs et sans étude de la culture ! Quand même Richomme aurait menti à sa conscience en se disant heureux de sa nouvelle existence, il n’aurait pas caché le dépérissement de sa santé si florissante autrefois dans la rue Saint-Merri, où l’air natal du commerce souffle toujours. Il avait des heures de mélancolie qu’il cachait à sa femme, de peur de l’attrister et de lui faire partager son dégoût. Que devient ma fille ? se disait-il en promenant d’une main ennuyée le râteau sur ses allées ; que fait mon gendre ? de mauvaises affaires, sans doute ; et je lui avais laissé un si beau nom à continuer ! Que fait aussi, que devient Fournisseaux, mon fidèle Fournisseaux ? Assis sous un ciel tout radieux des