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poésie, la culture des champs est une chose riante et facile, un passe-temps des plus doux ; mais, en réalité, c’est un exercice qui demande, sinon la jeunesse, du moins une habitude prise avec la jeunesse. Après son déjeuner, il fut impossible à Richomme de se lever de son fauteuil ; ses pieds pesaient cent livres, et ses mains étaient bouffies d’ampoules d’avoir trop longtemps tenu le manche de la bêche. Sa femme fut obligée de lui frotter les reins avec de la graisse d’ours. Il passa une bien mauvaise nuit. Une autre erreur de M. Richomme fut de croire que le printemps et l’été représentaient deux époques absolues : la première réservée à la culture, la seconde aux profits qu’elle donne. En avril, par exemple, on semait tout et partout, les fleurs, les légumes, les choux et les melons ; en juillet et en août, on récoltait. C’est à peu près là l’idée des poëtes, des enfants et des propriétaires parisiens qui rêvent au bonheur de se retirer, sur leurs vieux jours, dans quelque campagne.

Or, M. Richomme ayant semé en avril les fèves et les pois hâtifs qu’il faut semer en janvier, il n’eut ni pois ni fèves ; il eut des herbes magnifiques ; ayant aussi taillé ses pommiers et ses poiriers en avril, lorsqu’ils étaient en fleurs, il en perdit un grand nombre ; enfin là où il avait semé à propos, il l’avait fait avec tant de surabondance, qu’il y eut étouffement dans la germination et par conséquent stérilité, sans parler des places ou il poussa des fleurs au lieu de légumes et où il vint des tomates pour des navets attendus.

Ces contre-temps révélèrent à Richomme une vérité assez méconnue ; c’est que l’agriculture est un art des plus dif-