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vices de son ancien commis. Non-seulement il ne voulait pas qu’il fût renvoyé, mais il exigeait, au nom de la générosité la plus simple, la plus naturelle, que Fournisseaux fût traité avec affection dans une maison dont il avait augmenté la prospérité et le crédit.

Ayant ainsi calmé les inquiétudes de sa pensée, Richomme se proposa, pour la centième fois, de se vouer tout entier aux travaux agricoles de sa propriété des Petits-Déserts sur laquelle allait luire le soleil d’un premier printemps, Le printemps ! saison magique pour un propriétaire ! époque fortunée où il, lui était enfin permis de faire usage des nombreux instruments aratoires dont il s’était muni en rompant avec la vie commerciale pour entrer dans la vie des champs : couteaux pour tailler les arbres, scies de toutes formes, râteaux, serpettes, arrosoirs.

Enfin l’astre du printemps dora un matin la cime des arbres, et Richomme sortit aussitôt en guêtres et en blouse pour ouvrir ses travaux rustiques. C’était vers la mi-avril. Les premiers coups de bêche lui réjouirent tout le corps ; il était heureux de penser que de cette terre remuée par lui sortiraient du froment, des fruits, des fleurs en abondance. Au bout d’une heure, les bras furent moins actifs ; une heure après, malgré l’espoir des fruits et du froment, ils allaient moins ; une heure après ils n’allaient plus. Le déjeuner rétablira mes forces, se dit Richomme, plus moulu que le terrain qu’il avait retourné : allons déjeuner. Richomme ignorait qu’à son âge tout changement d’existence ébranle, et que l’agriculture est un métier aussi dur, aussi difficile que la guerre et la navigation. En