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d’entendre Fournisseaux, jusqu’au moment où son mari, de retour et plein de pensées soucieuses, s’asseyait près d’elle, et lui disait avec cette ennuyeuse joie qui ne cause du plaisir qu’à celui qui la ressent : J’ai gagné une voix de plus pour ma prochaine candidature.

C’est encore Fournisseaux et elle qui réparaient les désordres apportés par un grand dîner au vieux régime d’économie et aux usages méthodiques de la maison. Le lendemain d’un banquet, ils profitaient de l’absence ou du sommeil de Fleuriot pour se hâter de ranger les porcelaines, de renfermer l’argenterie et de remplir les flacons de liqueurs à demi vidés, afin qu’aucun objet ne fût égaré, qu’aucun liquide ne s’éventât, principes d’or, professés avec religion par M. Richomme, mis en pratique constante par sa femme. C’est ainsi que se font les bonnes maisons de la rue de la Verrerie et de la rue des Cinq-Diamants. Il y a dans ces angles ténébreux de rues, au fond de ces maisons enfumées, des trésors de femme qui décupleraient en trois ans la fortune d’un État si elles étaient à la tête des finances. Ce sont des miracles de chiffres et de spéculations ; ces petites mains qui passent sous ces bouts de manche en toile grise ou en serge verte ont une activité réfléchie digne des plus hauts emplois ; mais le monde ne connaît pas ces femmes qui rapportent plus à leurs maris que six vaisseaux sur les mers, et qui n’exigent rien d’eux, si ce n’est de les conduire trois fois par an à l’Opéra-Comique et à la Gaieté, et qui ne souhaitent un peu vivement encore, quand le printemps se fait sentir dans le quartier des Arcis, que d’aller quelquefois, le dimanche, dîner au restaurant, et l’été à Montmorency. Viennent trente ans, elles