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lac. Naïve, sa bouche à peine indiquée n’était qu’un trait de pinceau. Une vapeur d’innocence enveloppait les formes de son visage. Quand ses doigts touchaient à leur charmant embonpoint, la trace y restait. Son sourire était fin, blond et frais. Mais ce qui répandait sur tout son être une tristesse que n’adoucissaient pas les grâces infinies de son enfance, c’était son vêtement blanc.

Un petit charmant bonnet de satin blanc, garni de glands en soie blanche, couronnait sa ronde et mignonne tête, qui s’épanouissait sous cette coiffure comme la fleur mousseuse du cotonnier quand elle est éclose. De ses épaules à ses pieds tombait, avec une négligence adorable, une tunique de cachemire couleur de lait, retenue par une ceinture du même tissu. On eût cru voir une nonne de Lesueur appartenant à quelque couvent enfantin dont la mère abbesse était sans doute une poupée de haute taille. Elle était presque grave, sous ce costume, auquel manquait de respect son petit nez au vent, rose et un peu altier. Elle se tenait bien assise, et elle n’avait aucun regard d’envie pour les bruyantes demoiselles de son âge, courant à ses côtés sur la chaussée des boulevards avec des cerceaux, des volants, des balles et des ballons, se rendant, en compagnie de leurs frères et des camarades de leurs frères, munis de cordes, au joyeux pèlerinage des Tuileries. Leur santé turbulente, leur liberté de courir, d’aller du marchand de volants à la marchande de gâteaux, ne faisait aucune impression sur elle. À peine souriait-elle à la bonne vieille édentée qui lui disait, en appuyant une main sèche sur le bord du landau : — Dieu vous accorde de longs jours, mon enfant, et vous rende aussi heureuse