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mieux vaut dire. Vous ne reconnaîtriez plus votre maison, tant ils l’ont défigurée en prétendant la faire belle, comme si elle ne l’était pas auparavant, parce qu’elle n’était pas pimpante et dorée. L’escalier, notre bon escalier, si noir, mais si solide, a été refait, les cloisons ont disparu ; la maison, c’est à ne pas y croire, a des balcons à chaque étage, et les balcons lui vont comme une cocarde à un chat. Le résultat de tous ces changements, dont vous avez été heureux de n’être pas témoin, a été l’éloignement de vos meilleurs amis, de vos plus vieux voisins.

— Tu m’attristes, Fournisseaux ; mais continue.

— De ce moment, nous n’avons plus eu le dimanche de ces soirées où nous nous amusions tant au nain jaune et au vingt-un, où, quand je bâillais, vous me mettiez un grain de sel dans la bouche. Mais si nous n’avons plus de soirées, nous donnons de grands dîners maintenant. Vous n’avez pas d’idée, monsieur Richomme, de la quantité de vivres qui entrent dans la maison ; vous qui régaliez si bien votre monde autrefois avec un dinde rôti, farci de marrons, un plat de crème au chocolat et des mendiants sans excès. C’est une mortalité. J’apporte du Palais-Royal des bêtes dont le bon Dieu seul sait le nom ; des espèces d’ours qui me font peur.

— Ce sont des chevreuils, Fournisseaux.

— À ce que j’imagine.

— On mange du chevreuil chez moi ! murmura M. Richomme.

Fournisseaux reprit :

— Et des poissons si gros et si longs qu’on les sert sur