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— Cependant je prends de l’exercice, beaucoup d’exercice, aux Petits-Déserts. Je chasse, je vais aux champs, je pêche.

— Alors, c’est que la pêche et la chasse jaunissent. Est-ce que cela ferait aussi blanchir les cheveux, monsieur Richomme ?

— J’ai donc bien grisonné ? Ah ça ! tu me trouves donc considérablement changé, vieilli ?

— Oui, monsieur, beaucoup.

— Je n’ai pourtant pas de soucis dans ma retraite. Je me lève quand je veux, je me couche quand j’ai sommeil, je mange sans être dérangé ; pas de Bourse, pas d’échéance, pas de payements dans la tête. Ce n’est pas comme à Paris. Et que fait-on, Fournisseaux, à Paris, depuis que je n’y suis plus ?

— Beaucoup de faillites ; les Dermoy ont manqué.

— Je l’avais dit ! les Dermoy, c’est de l’écume, et rien dessous. Les huiles les ont entraînés.

— Oui, monsieur, les huiles. Les Charvin ont suspendu.

— Je l’avais encore dit ! Ils ont péri dans les indigos.

— Oui, monsieur, dans les indigos. Mais les Rafin ont fait de belles affaires dans le noir animal.

— J’en étais sûr ! J’avais cette spéculation dans la tête ; là, Fournisseaux. C’est cent mille francs que j’ai tenus dans ce pli du front. J’ai dit : Le noir animal enrichira celui qui y mettra une bonne fois les mains. Quelle belle affaire j’ai manquée ! Nous eussions acheté discrètement, sans bruit, avec des souliers de lisière. Puis nous gardions six mois ; nous affamions la place. Un beau jour nous lâchions les courtiers, et nous enlevions cent mille francs.