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quelques jours le printemps. L’agriculture m’occupera tout entier.

En prenant un flambeau pour se retirer dans sa chambre à coucher, Richomme, distrait de son philosophique monologue, se tourna vers sa femme et lui dit :

— Fais-moi souvenir, bornée, que j’ai à livrer demain matin cent quintaux de bois de campêche.

— Est-ce que ta tête déménage, Richomme ; te croirais-tu encore droguiste ?

— Qu’est-ce que j’ai dit ! — Voilà en effet que j’oublie que je suis retiré des affaires ; ces voisins ont dérangé tous mes projets, toutes mes espérances. On est plus aimable dans le commerce.

— Tu as voulu venir ici, Richomme.

— Je n’en suis pas fâché ! je n’en suis pas fâché ! Nous n’avons pas encore pris nos habitudes.

— Mon doux Jésus ! ce sera long, murmura madame Richomme.

Richomme fit semblant de n’avoir pas entendu, et il alla se coucher. Dans son premier sommeil, fort agité, il eut un rêve qu’il raconta le lendemain à sa femme. Dans ce rêve, il voyait une barrique qui roulait sans être poussée, et du fond de laquelle s’échappaient des cris lamentables ; un homme y était enfermé. Ensuite les douelles s’écartaient, et de la barrique ouverte Fournisseaux sortait, tout vêtu de papier d’enveloppe ; il était jaune comme du safran, et dans sa main droite il soulevait un pain de sucré tronqué au sommet.

— Assurément, dit Richomme, après avoir raconté son rêve à sa femme, il est arrivé quelque malheur à Fournis-