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— Dans notre sainte religion, répliqua M. Thompsay, le divin jour du dimanche est dévolu au Seigneur ; les causeries, familières sont un péché. On doit penser, réfléchir et parler fort peu.

— Et à quelle heure se couche-t-on le dimanche, dans votre sainte religion ? demanda avec une ironie bête le naïf Troussier.

— Tout de suite, répliqua M. Green, qui crut voir un propos impertinent dans la question de l’abbé, et il se leva ainsi que ses deux filles.

Quelque effort que tentèrent le droguiste et sa femme pour les retenir, ils ne purent empêcher M. Green et ses filles, M. Thompsay et ses neveux de se retirer. Ils se sentaient blessés dans leur religion, endroit où l’on blesse toujours un Anglais, lui parlât-on du soleil, de la lune ou du cours du Gange.

À neuf heures, le curé et son vicaire s’étant retirés, M. Richomme et sa femme restèrent dans la plus complète solitude, en dépit de leur commun désir d’inaugurer leur première soirée, qui fut la dernière : ils n’eurent pas le courage de risquer un nouvel essai. Désenchanté sur ce point comme sur tant d’autres, Richomme se prit à douter de la simplicité des curés et de la sociabilité des voisins de campagne.

Cependant, se dit-il dans sa robuste croyance en l’âge d’or des communes rurales, j’ai eu tort de vouloir tout rencontrer dans un seul endroit. Les voluptés champêtres ne sont pas seulement dans la conversation d’un curé de village ; aux champs on laboure, on sème, on greffe, on plante : je planterai, je sèmerai, je grefferai ; c’est dans