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tement près de l’autre sur une même ligne. Madame Richomme ne pouvait se lasser de regarder ces trois habits bleu clair, ces trois pantalons gris tendus le long de la jambe, ces trois cravates blanches, ces trois têtes blondes, d’une ressemblance comique. M. Thompsay, au nez busqué, aux larges oreilles toutes laineuses de sa chevelure bouclée, avait l’air d’un bélier ; Noll, l’aîné de ses deux neveux, ressemblait à un mouton ; et Lewis, le plus jeune, également blond et busqué, à un agneau. Leurs trois jambes droites tombèrent en croix sur leurs trois jambes gauches ; leurs six pouces se glissèrent sous l’entournure de leurs gilets rouges, et à tous les efforts de M. et de madame Richomme ; ils répondaient tous les trois par un salut de tête dont l’inclinaison s’arrêtait au bord supérieur de la cravate. Comment entamer ces rochers ? Richomme, avait beau rire pour les faire rire, leur parler de toutes sortes d’objets pour les faire parler, leur offrir du tabac pour les obliger à éternuer au moins, tourner autour d’eux, préparer les fiches du jeu, déplacer les flambeaux ; rien n’était une diversion à leur sérieux laconisme. Ils ne sont pas tous les jours aimables, pensait-il, cependant j’aurais tort, ajoutait-il, de les juger si vite. Les Anglais ne se livrent pas à la première entrevue. — M. Richomme comptait beaucoup en ce moment sur l’arrivée de l’autre manufacturier anglais pour animer la soirée. Ses deux filles y apporteraient le charme de leur jeunesse et l’entrain de leur gaieté ; la musique et le jeu feraient le reste ; le thé et le punch couronneraient joyeusement une première réunion assez décolorée à son début. Ce ne fut pas M. Green, l’autre manufacturier, qui se présenta le premier, mais le