Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais tu vas gagner un gros rhume, monsieur Richomme, y songes-tu ?

— Bah ! ce froid ragaillardit. L’exercice est bon : je ne suis pas venu ici pour dormir…

— Tu dis plus vrai que tu ne le supposes, Richomme, si toutes les nuits doivent ressembler à la première.

— Cela n’est rien : nous avons payé la bienvenue. N’en parlons plus. Je donnerais volontiers cent francs pour envoyer à Fleuriot un lièvre tué de ma main, dans mon parc ; un lièvre ou autre chose.

— C’est imprudent à toi, Richomme, de sortir si matin sans prendre ton café à la crème.

— Un verre de vin blanc me suffira. Voilà la vie champêtre, madame Richomme ! béni soit Dieu ! nous la tenons enfin.

— Mais ne reste pas longtemps dehors, entends-tu ?

— Cela dépendra du gibier. À ta santé, ma femme, dit Richomme en avalant d’un trait un verre de vin blanc, pour sacrifier aux bons usages rustiques.

— Eh ! prends garde de tuer quelqu’un, mon ami… Un malheur est bientôt arrivé.

Cette réflexion de sa femme entraîna Richomme à se souvenir de Fournisseaux qui, la veille, lui avait dit aussi de ne pas se brûler la cervelle dans un mouvement d’inexpérience.

Voilà le bon droguiste courant le gibier dans son parc, où il n’y avait, à vrai dire, ni parc ni gibier, mais une mer de neige. Il ne voyait pas une plume d’oiseau. Patience ! dit-il, j’entre en fonctions. Allons plus loin. Sobre par habitude, Richomme fut bientôt ravagé par le verre