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Soit que les draps fussent trop froids, soit qu’il n’eût pas l’habitude du nouveau lit, Richomme, glacé, perdu, dépaysé dans celui où il s’étendit, ne ferma pas l’œil de la nuit. Aucune attitude ne vainquit l’insomnie. Plongé dans le silence compacte qui règne autour des campagnes pendant l’hiver, les heures lui furent, d’une longueur de poëme. Au moins, pensa-t-il sans oser, le confier à sa femme qui ne dormait pas plus que lui, on entend toujours rouler quelques fiacres, la nuit, dans le quartier des Lombards, et on sent qu’on est parmi les vivants ; mais ici, rien. Et puis ces salons noirs, ces meubles noirs, cette bibliothèque sinistre, lui revenaient à la mémoire ; souvenir désagréable. Cependant sa raison lui conseillait de ne pas juger le caractère des nuits qu’on goûte à la campagne par celle dont il désirait la fin. Chaque innovation a ses surprises. Le lendemain, il dormirait mieux ; le lendemain, compensation à ces légers ennuis, il verrait, dans tout son éclat, sa belle propriété des Petits-Déserts.

Quand le jour fut venu et que Richomme, un peu brisé du mauvais dormir, s’approcha de la croisée ; il aperçut la campagne couverte de neige ; aucune verdure ne teignait cette couche monotone. Il frissonna. Mais la réflexion lui ayant aussitôt démontré qu’on doit accepter les saisons avec leurs bons et leurs mauvais jours, il dit à sa femme, dont il redoutait le découragement à un si beau début de la vie champêtre :

— Voilà un superbe temps pour la chasse. On chasse abondamment certain gibier par la neige ; Allons ! mes guêtres, ma carnassière et mon fusil. La chasse ! la chasse !