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vivre de la vie des champs ne doit pas s’effaroucher, Richomme proposa à sa femme de visiter en détail les appartements de la maison où ils étaient destinés à passer le reste de leurs jours. Madame Richomme aurait désiré remettre cette jouissance au lendemain ; son mari n’y consentit jamais. Les propriétaires sont comme les amants, pour eux demain n’existe pas. Un flambeau à la main, son manteau de voyage sur les épaules, précédant madame Richomme, l’ex-droguiste de la rue Saint-Merri commença la promenade à travers les pièces de son Escurial. Le premier salon où ils pénétrèrent était assez remarquable dans ses proportions, mais rien n’en égalait la tristesse : les rideaux des fenêtres étaient noirs, le parquet sombre, les fauteuils étaient en crin, ainsi que le canapé ; les tables en ébène, sans incrustation.

— C’est peu gai, pour nous, murmura Richomme ; toi qui aimes le vert, madame Richomme, et moi le ponceau. Assurément le dernier locataire n’avait pas de goût, ajouta-t-il.

Par malheur, le dernier locataire avait vendu son mobilier en vendant sa propriété à M. Richomme.

— Voyons l’autre pièce, dit M. Richomme ; tout ne se ressemble pas peut-être.

À beaucoup d’égards, l’autre pièce pouvait passer pour un salon de compagnie : beaucoup d’espace, des tentures riches, un plafond à corniches ; un tapis, des tableaux, de beaux meubles. Cependant M. Richomme recula sur sa femme qui le suivait pas à pas. Déplorable similitude ! Ainsi que l’appartement précédent, le salon de compa-