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la résistance des locataires, mais, au contraire, à cause des monstrueuses et fastidieuses avances dont ils m’accablaient, eux, leurs femmes, leurs enfants et leurs petits-enfants. Assis au milieu de l’atelier, j’étais comme un spectacle, comme une lanterne magique en plein jour. Les marteaux et les limes restaient suspendus dans la main des ouvriers ébahis de me voir ; les femmes tournaient autour de moi sous différents prétextes ; les enfants s’apprivoisaient jusqu’à sauter sur mes genoux ; ils m’embrassaient avec leurs doigts noirs et leurs lèvres barbouillées de confiture, tandis que le chef de la maison, le bonnet à la main, les lunettes au front, le tablier sur la poitrine, m’assurait de son dévouement politique. Mais pourquoi es-tu ainsi gênée en marchant, ma Lucette ; te serais-tu blessée au pied ?

— Non, mon ami ; c’est que je m’applique à ne jamais poser les pieds sur les roses du tapis de peur de les faner ; je ne marche que sur le fond.

Autre innocence, pensa Fleuriot, qui, après avoir dit à sa femme que les tapis étaient faits pour être usés, reprit ainsi :

— Moins pour m’attirer des suffrages dont j’étais sûr, que pour répondre à tant de preuves d’amitié, j’ai acheté aux uns des chenets, aux autres des pendules ; j’ai pris des garnitures de boutons, des ressorts de montres, des bobines de soie, des boîtes de dragées, et jusqu’à de la gelée de coings. On ne tardera pas à l’apporter ces divers objets qui témoignent de ma sollicitude pour le commerce de l’arrondissement. Ainsi, sauf des accidents impossibles à prévoir, je serai élu à l’unanimité.

— Que je serai heureuse le jour où tu seras nommé,