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— As-tu quelques airs de Musard, là, Lucette ?

— J’ai toutes les contredanses et les valses de Musard ; mais je les cache ; mon mari prétend que ce n’est pas assez sérieux. Mais en place, mesdemoiselles, en place !

Au son du piano, Adèle et Stéphanie, si timorées d’abord, valsèrent comme deux folles, autour des tables chargées de porcelaines, sous le beau lustre à girandoles, faisant voler à grandes bouffées sur leur passage des tentures des rideaux. Et Lucette était aux anges ; elle s’épanouissait ; elle riait ; elle était si heureuse et si gaie, qu’elle sonna pour que Fournisseaux montât du cassis et trois petits verres. Après la danse, les rafraîchissements.

— Vous n’aviez pas besoin de sonner, mademoiselle, j’étais là, je regardais danser entre les deux battants de la porte. Ah ! vous étés une bonne petite bourgeoise, vous ! Le sang de M. Richomme ne peut mentir. Pas fière !

— Va donc chercher ce cassis, bavard !

— À la bonne heure, elle me maltraite celle-là ! Il n’y a plus qu’elle pour m’appeler gourmand, paresseux, bavard !

Fournisseaux monta le cassis, et les trois amies allaient boire à leur fraîche santé et au bonheur d’avoir bientôt un bal dans les beaux salons.

Les trois petits verres restèrent en l’air.

Fleuriot entrait au salon.

— Continuez, mesdemoiselles, je vous prie, dit-il, mais d’un ton qui figea l’hilarité des trois amies. Ma présence n’est pas celle d’un étranger ; que je n’interrompe pas le plaisir que vous avez à être réunies. Je vous remercie de venir tenir compagnie à ma femme. Je te charge, Lucette, de rappeler ces demoiselles à leur gaieté, et je vous