Page:Gozlan - Les martyrs inconnus, 1866.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ma foi non ! je l’ai abandonné à son malheureux sort.

— Ah ! tu n’as plus ton rat ?

Et, après cette haute communication de pensées, les deux amis avaient continué à faire rôtir leurs bottes et à enfoncer un peu plus leurs têtes dans le dos des fauteuils. Ils se reposaient de leur long effort d’esprit.

Au bout d’une demi-heure celui qui n’avait plus son rat, dit à l’autre :

— Et comment se porte ta panthère ?

— Je l’ai lâchée.

— Ta parole d’honneur ?

— Ma parole d’honneur. Mais, dis-moi, pourquoi n’as-tu plus ton rat ?

— Figure-toi, répondit Anatole à Stephen, qu’elle s’était mis en tête de danser un pas. C’est leur rage à toutes, tu sais. Je lui avais promis son pas, pour en finir. Ma promesse n’était pas tombée dans l’eau. Quand j’entrais : « As-tu songé à mon pas ? » Quand je sortais : « Mon ami, ne va pas oublier mon pas ! » La prière se changea en persécution. En rêvant elle parlait de son pas. « Je veux mon pas ! criait-elle ; tout le monde en obtient excepté moi. C’est avilissant. Va trouver le directeur, va trouver les journalistes, il me faut mon pas ou la mort ! »