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laisse prendre vite à d’autres séductions, lorsqu’il croyait ne pouvoir jamais aimer que les mêmes choses. Il s’étonne lui-même de ces attachements si nouveaux. Les chemins de fer ont pour jamais rendu impossibles les douleurs immuables et les désespoirs éternels. — Avez-vous voyagé, vous aussi ?

— Oui, mais vers le Midi, tandis que vous alliez vers le Nord ; et, sans chercher, comme vous, à satisfaire une curiosité que je n’avais pas, je me suis abandonnée à la vapeur. Elle m’a emportée de Paris à Bordeaux, de Bordeaux à Nîmes, de Nîmes à Marseille, de Marseille à Lyon, et, de Lyon, elle m’a ramenée à Paris. Ce mouvement, cette rapidité, cette agitation, m’ont fait un bien infini. Je n’ai rien vu, j’ai voyagé comme certains oiseaux, — les yeux fermés ; mais j’ai respiré pour tout le temps que j’avais vécu sans air à Paris. Et, après avoir parcouru sept ou huit cents lieues, je me suis dit en rentrant dans Paris, en revoyant cet appartement, en retombant après deux mois d’absence dans mon fauteuil : « Déjà ! déjà ! »

Georges eut, on le voit, la contre-partie exacte du tableau si heureux qu’il avait tracé de sa vie errante depuis sa séparation d’avec Valentine. C’était, de part et d’autre, la même sincérité navrante.

Il continua sur la modulation de frivolité qu’il avait affectée en commençant :