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le dragon rouge.

de lauriers-roses, et là il tira sa flûte, instrument dont il jouait à merveille, et il exécuta un air langoureux, tendre, et qui sans doute paraissait plus tendre encore dans l’éloignement où se trouvaient le roi et sa charmante compagne.

— Tiens ! voilà que j’écoute, moi aussi, dit Marine. Ils ne seront pas posés d’aujourd’hui ces rideaux.

— Dès que le roi et mademoiselle de La Vallière eurent été frappés de la mélodie nocturne de ces sons, ils sortirent de l’allée des marronniers et entrèrent dans le jardin, comme pour chercher de quel endroit ils partaient à cette heure de la nuit, quand tout dormait. Ils se dirigèrent d’abord vers le point du bosquet où était le page ; mais celui-ci, affaiblissant adroitement les sons, changeant de place avec précaution, trompa leur attention, et, après les avoir jetés dans mille doutes, il les vit venir vers un endroit solitaire du jardin, entièrement éclairé par la lune. Là les attendait le page, qui ne jouait plus de la flûte que depuis quelques instants.

— Et il les vit bien ? demanda Casimire.

— Oh ! parfaitement, et comme eux-mêmes ne s’étaient pas encore vus pendant cette nuit, qui les réunissait après dix ans d’absence et pour la dernière fois de leur vie.

Ils s’assirent près d’une fontaine dont le trophée de marbre se perdait dans le lierre et dont le bassin était presque couvert sous des touffes de gazon. On n’a soin de rien dans les couvents, excepté des légumes et des fruits, de ce qui se mange. Mais l’architecture…

— Qu’est-ce que ça nous fait que ton architecture, marquis, dit Marine. Tu en parleras une autre fois ; c’est de la bagatelle. Voyons vite ce que se dirent le tourtereau et la colombe ; je grille. Dame ! ils en avaient à se dire depuis dix ans !

— Il faut bien que je parle de cette fontaine, dit le marquis de Courtenay, puisque mon grand-père se cacha derrière. À travers le feuillage, il vit que le roi tenait dans sa main la main de mademoiselle de La Vallière, dont le visage exposé