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le dragon rouge.

pour mes descendants, si je dois en avoir : leur nom est partout dans toutes les guerres contre les ennemis de la religion et de la France, et la destinée a voulu qu’ils fussent célèbres dans toutes les contrées où des branches de leur race se sont transplantées. Les Courtenay anglais ne le cèdent en rien aux Courtenay de la France, et les Courtenay flamands sont illustres comme les autres. Voilà, sinon de quoi m’enorgueillir, du moins de quoi me consoler, si je suis né pour m’éteindre au contraste de tant d’éclat.

— Ainsi, s’écria Casimire, vous êtes déjà plus illustre en allant chercher de la gloire que vous ne le serez jamais au retour. Oui, les Courtenay sont de la plus belle noblesse, je le sais ; ils sont alliés avec les rois ; ils ont régné ; ils peuvent régner encore.

— Non, oh ! non, reprit modestement le commandeur. Ce sont de braves et fidèles gentilshommes, rien de plus. Ils tiennent leur rang, mais ils ne veulent pas en sortir, parce qu’ils savent comment on sort de son rang. En sortir en passant par-dessous, c’est indigne ; en sortir en passant par-dessus, c’est infâme.

— Mon ami, dit Casimire, qui sentait qu’elle venait d’appuyer sur des épines en se retirant après avoir fait un faux pas, vous m’avez confié que vous éprouviez deux amères douleurs au moment de nous quitter ; vous m’avez dit l’une ; quelle est l’autre ?

— C’est d’aller mettre mon épée au service d’une nation étrangère. Je sais que ces sortes d’engagements à l’étranger ont lieu tous les jours ; n’importe ! il me répugne de verser mon sang pour une autre cause que la nôtre, et de contribuer, dans la faible proportion de mon zèle, à la gloire d’un autre pays que le mien. Je sers l’étranger faute de mieux. Je n’aime pas l’étranger. Voilà la seconde cause de ma tristesse et de mon découragement.

— Pourquoi cette répugnance, puisque vous n’allez pas prendre les armes contre la France ?