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le dragon rouge.

aurait repoussé si elle n’eût pas été élevée à se jouer avec ces couleuvres appelées questions politiques.

— Ce qui me reviendra ? répliqua le comte ; tout ce que je voudrai. Écoutez-moi bien !

Au sortir du spectacle, à minuit, dix hommes enlèveront le régent ; ils sont décidés, ils sont prêts.

— Ils sont prêts ! L’affaire est donc…

— Tout est prêt, vous dis-je, continua le comte. Ils le mettent dans une voiture et le roulent vers l’Espagne.

— Ils traverseront toute la France, et vous croyez ?…

— Chère enfant, lui dit M. de Canilly, il sera plus difficile de lui faire traverser le boulevard et le faubourg Saint-Jacques que la France entière. C’est le moins qui est difficile en politique, le plus n’est rien. Retenez cela.

— Et qui sera régent en France, quand vous aurez conduit en Espagne le duc d’Orléans ?

— Vous y voilà ! Mais le roi d’Espagne, qui sera forcé de reconnaître nos services de deux manières, et comme régent de France et comme roi d’Espagne. C’est immense, c’est incalculable de récompense. C’est la mer.

— Mais il me semble, répliqua Casimire, que vous oubliez Louis XV, qui sera roi dans quelques années. Tenez, ce monsieur de Marescreux vous a peut-être compromis…

— Vous vous trompez, c’est moi qui, connaissant M. de Marescreux, l’ai désigné comme l’homme le plus capable, par sa position entre la France et l’Espagne, de compléter l’enlèvement du régent au moment décisif de l’affaire. Éveillés trop tard pour le défendre à Paris, les amis du régent courront aux frontières pour le délivrer ; ils se rendront tous à l’entrée de l’Espagne, aux limites des deux pays. Là un homme de résolution nous était indispensable, un homme assez délibéré pour ne pas donner aux défenseurs du régent le temps de déjouer l’entreprise. Je l’ai trouvé ; c’est M. de Marescreux, un ambitieux subalterne.