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le dragon rouge.

— Quel roi voulez-vous changer ? demanda-t-elle ?

— Vous savez, répondit M. de Canilly, que le duc d’Orléans a usurpé la régence sur le duc du Maine à qui elle revenait de droit par le testament du feu roi Louis XIV. Des partis se sont formés à l’occasion de cette usurpation. Je suis, je n’ai pas besoin de vous l’apprendre, pour le duc du Maine, appui constant de notre famille, mon protecteur, prêt à faire pour nous…

— Mais, mon père, interrompit naïvement Casimire, c’est le régent qui vous a envoyé en Pologne ; vous avez prêté serment…

— Aussi, reprit M. de Canilly avec un embarras mal déguisé, lui serai-je fidèle en Pologne. Mais vous ne connaissez encore que la moitié de mon secret. Il prit la main émue de sa fille. — Casimire, quoi que je vous dise, n’oubliez pas que c’est mon amour pour vous, mon désir de vous assurer un avenir grand comme vous êtes belle et intelligente, ma fille, qui m’a fait prendre part à cette immense affaire.

Casimire montait sur cette mer ambitieuse, gonflée par le souffle de son père, comme s’élève un petit bateau quand vient la marée.

— Le régent, continua M. de Canilly, est peu aimé…

— De vous particulièrement.

— Est-ce que l’on conspire pour les autres ? Nous allons le renverser, entendez-vous ?

Une décoloration foudroyante indiqua l’émotion dont fut saisi M. de Canilly en prononçant ces paroles. Ce bronze frissonna ; deux gouttes de sueur froide se formèrent à ses tempes. Il répéta :

— Nous allons le renverser.

— Mais, mon père, je ne vois pas encore ce qui vous en reviendra, dit Casimire, dont l’attention, on le voit, était plus que gagnée à la cause de son père, puisque l’imprudente se laissait aller à demander des explications sur un projet qu’elle