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vi


Sans l’influence de M. de Canilly, cette belle fleur qui s’appelait Casimire, serait parvenue, grâce à l’appui du sage commandeur, à la plus riche éclosion. L’amour la rendait déjà rêveuse et réfléchie ; un jeune homme avait surpris son aveu, et, de son côté, elle ne doutait pas de l’amour de ce jeune homme pour elle. Malheureusement, plus sa raison se développait, plus son père cherchait à s’en emparer. Il la retenait de plus longues heures auprès de lui. Persuasif, sophiste habile sans croire l’être, causeur entraînant, comme le sont presque toutes les personnes de cour, il s’insinuait dans son âme par toutes les voies. Aux endroits résistants, il faisait entrer les coins de fer de l’ambition. Puis il se mettait lui-même en scène. Pouvait-il vieillir dans le poste lointain où on l’avait relégué comme pour masquer une disgrâce ? Se croyant indispensable, il s’imaginait avoir beaucoup d’ennemis à la cour, auprès du régent ; orgueil de tous les ambitieux, qui ne voient pas que leur plus acharné ennemi c’est eux-mêmes. Il attaquait de nouveau sa fille par la vanité, et cette vanité, lui seul lui avait donnée, imitant ces soldats d’artillerie qui, dans les loisirs des garnisons, élèvent la nuit des redoutes qu’ils prennent eux-mêmes le lendemain. Il lui montrait autour d’elle de jeunes filles polonaises presque toutes qualifiées de princesses,