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le dragon rouge.

erai courir ; il faudra bien qu’il s’arrête ; s’il rue, je m’élancerai à son cou et nous bondirons ensemble. D’ailleurs, ne serez-vous pas à mes côtés ?

Le commandeur hocha la tête.

Comme Casimire insistait : — Eh bien ! nous le monterons tous les deux, dit-il ; nous le dresserons ensemble.

Le traité fut accepté. À côté de la selle un coussin fut placé sur la croupe du cheval, qui partit aussitôt qu’il sentit le poids des deux cavaliers. Il flairait sans doute au loin les gras pâturages de l’Ukraine, car il galopait avec une frénésie telle que les arbres passaient comme des visions. Quoique rapide à l’excès, le mouvement était si doux que le commandeur s’occupait à peine des rênes. Casimire, assise derrière lui, avait appuyé la main sur son épaule droite ; de l’autre elle agitait une petite cravache. Ils couraient dans le fond d’un ravin dont ils n’apercevaient pas le bout. Le vent de la course et le vent dans les branches des bouleaux leur faisaient une harmonie délicieuse à entendre. En s’évasant tout à coup vers leur droite, le ravin leur laissa voir, au bas d’un terrain incliné, un torrent qui coulait à deux cents pas devant eux. Deux cents pas pour ce démon de cheval, qui avait des ailes, qu’était-ce ? Le commandeur tend les rênes pour arrêter ; le cheval continue à courir comme s’il était seul, nu, en liberté. Le torrent était effroyablement large, ce que les deux cavaliers voyaient en s’approchant. Nouvelle contraction des rênes, même insensibilité du cheval.

— Nous sommes perdus ! dit le commandeur à Casimire. Franchir le torrent à cheval, c’est un danger affreux ; nous laisser glisser à terre, c’est nous briser.

— En ce cas, dit Casimire, je saute à terre.

— Mais c’est la mort, vous dis-je.

— Je préfère celle-ci.

Casimire allait sauter.

Le commandeur la retient contre lui en l’entourant de son