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le dragon rouge.

de se rendre, et son souper l’attend elle n’y manquera pas.

— Ce n’est pas cela, répliqua le commandeur. Mes travaux de stratégie m’obligent depuis un mois à me promener souvent autour de Varsovie. Hier, attardé par mes observations, je me suis trouvé encore assez loin de la ville au moment où la nuit venait ; elle était déjà assez sombre lorsque j’ai entendu pousser à quelques vingt pas devant moi des hurlements affreux.

— C’était la louve ! c’était la louve ! s’écrièrent les jeunes Polonais.

— C’était mieux que cela, reprit le commandeur, toujours avec la même tranquillité : c’étaient un loup et une louve, tous deux d’une taille monstrueuse. Je les ai vus comme je vous vois, et je puis vous assurer que six de vos plus forts vassaux n’en viendraient pas à bout avec leurs couteaux et leurs fourches.

— Un loup et une louve ! dirent avec effroi les jeunes gens ; mais nous avons donc envoyé votre frère à la mort ? Ah ! ceci ne sera pas. Un homme pour une louve, c’est déjà beaucoup, c’est déjà assez téméraire ; mais un homme contre une louve et un loup, c’est un assassinat. Messieurs, dit celui qui avait parlé, je cours prêter, assistance à M. le marquis de Courtenay.

— Arrêtez ! dit le commandeur ; c’est moi qui vais au secours de mon frère ; vous ne voudriez pas me priver de ce danger, et, comme étranger, de cet honneur, si je sors avec lui de ce danger.

— Monsieur le commandeur, prenez du moins mon cheval.

— Je l’accepte.

Le cheval que montait le commandeur piétinait déjà dans la neige.

Casimire était placée à cet heureux commencement de la vie, entre les frontières de l’enfance et celles de la puberté. Son front, son nez, ses lèvres, tout l’arc de son visage, d’une blancheur solide, offrait le renflement de la fleur près de passer